Harold Von Schmidt (1893-1982)


L'impressionniste du vieil Ouest 


Si son nom est moins souvent cité lorsqu'on évoque les grands peintres de l'Ouest, ce Californien est pourtant réputé pour être l'un des plus célèbres illustrateurs américains de l'âge d'or. Dans les années 1930-1960, il réalise de nombreuses couvertures pour les magazines new-yorkais les plus prestigieux. L'Ouest sauvage constituant l'une de ses deux passions, avec le monde maritime, Harold Von Schmidt puise dans ses souvenirs de jeunesse, lorsqu 'il était apprenti cow-boy, pour restituer des scènes d'un réalisme saisissant, en ménageant habilement le suspens. Car, aime-t-il à répéter, "ce qu'il faut peindre, c'est l'impression."

C'est son grand-père, arpenteur, ayant accompagné les Forty-Niner, ces prospecteurs de la ruée vers l'or, en Californie, au milieu du XIXe siècle, qui transmet sa passion du Far-West au jeune Harold Von Schmidt. Ce dernier naît le 19 mai 1893, à Almeida (Californie), d'un père, capitaine de navire marchand à voile et d'une mère, danseuse d'origine australienne, sa seconde épouse. En 1899, ses retrouvailles avec son aïeul, âgé de quatre-vingt ans, font suite à un drame familial. Un an plus tôt, alors qu'il n'a que cinq ans, Harold, cadet d'une fratrie de cinq enfants, perd ses parents, dans un accident. Placé dans un orphelinat, avec l'un de ses plus jeunes frères et séparé du reste de sa famille, il doit apprendre à se défendre pour se protéger et se bagarre souvent avec les autres pensionnaires. Mais, Harold commence aussi à dessiner, des cow-boys et des chevaux, pour épater ses camarades. Lorsque son grand-père le sort de l'orphelinat, il l'encourage à peindre en lui offrant un nécessaire à aquarelle. Avant de faire ses preuves, au sein de la California School of Arts and Crafts de Berkeley, le jeune Von Schmidt effectue des « petits boulots » : ouvrier dans une exploitation forestière et sur la construction d'un barrage, manutentionnaire dans une gare de marchandises, puis cow-boy à tout faire. « Je suis né au bon endroit et au bon moment », soulignera plus tard l'illustrateur. « Le vieil Ouest existait encore et j'ai eu la chance d'être avec des indiens et, comme cow-boy, d'arpenter les pistes et d'apprendre à connaître le bétail et les chevaux. »

L'apprentissage auprès de peintres de l'Ouest

En 1919, après avoir étudié durant un an et demi à l'école des Beaux-Arts et de l'artisanat de Berkeley, Harold Von Schmidt découvre que le peintre Maynard Dixon possède un atelier, près de San Francisco (Californie), qu'il ouvre aux amateurs. L'apprenti artiste le convainc de le laisser l'assister dans la réalisation d'une fresque murale, en échange de conseils. Autodidacte devenu un affichiste reconnu et fortement influencé par le courant impressionniste européen, Dixon délaisse à cette époque l'illustration pour se consacrer à la peinture sur le motif, dans les étendues désertiques du sud-ouest des Etats-Unis, en valorisant la figure du cow-boy. Sa période d'apprentissage avec Dixon sera déterminante pour le jeune Harold. Dans la foulée, il obtient son premier emploi rémunéré dans une équipe d'artistes travaillant dans un agence de San Francisco, qui conçoit des affiches pour des panneaux publicitaires. Un emploi qui l'amène à créer des images ayant un fort impact sur le public. En 1924, alors âgé de trente et un ans, Harold Von Schmidt part pour la côte Est, où il intègre la Grand Central School of Design de New-York, sous la direction du peintre Harvey Dunn. Ce dernier est issu d'une famille de fermiers du Dakota du Sud et est un ancien élève d'Howard Pyle, l'un des grands illustrateurs américains du moment, dont les premiers tableaux sont fortement inspirés de l'Ouest. Harvey Dunn enseigne à Von Schmidt la nécessité de conjuguer force dramatique et respect de la réalité, pour rendre ses illustrations les plus impressionnantes possibles. Des conseils qui influenceront durablement le style d'Harold Von Schmidt. 
 
Ses débuts d'illustrateur

En 1927, désirant s'éloigner des grandes villes, Harold Von Schmidt déménage à Westport (Connecticut), où il travaille pour de grands magazines : Collier’s Weekly, Cosmopolitan, Liberty, The Saturday Evening Post et Sunset. Il réalise des illustrations ayant pour cadre la conquête de l'Ouest : convois de pionniers et de bétail, duels au revolver, attaques d'indiens et de diligence, charges et patrouilles de la cavalerie US, chercheurs d'or en prospection au bord d'une rivière. Mais, quand le « Saturday Evening Post » essaie de cantonner Von Schmidt dans la réalisation de couvertures sentimentales, ce dernier s'y oppose. Il préfère réaliser des centaines de peintures à l'huile, plutôt qu'une dizaine de couvertures de magazines. « Si je dessine et peins des tableaux en extérieur et non en atelier, c'est pour acquérir de l'expérience et des connaissances qui me servent de références, sur la forme et la couleur d'un lieu et des gens qui y vivent ou le traverse », explique le peintre. « Le monde réel est pour moi une référence qui m'aide à traiter une variété de sujets et me permet de maintenir mon intérêt pour l'illustration. » Dans sa recherche d'authenticité, Von Schmidt est secondé par son épouse Forest, qu'il surnomme affectueusement « Reb », en raison de son accent du Sud de l'Indiana, dont elle est originaire. Celle-ci lui procure les accessoires et les costumes qui lui servent de modèles, tout en lui apportant son regard critique sur ses illustrations.

L'art de saisir l'instant 
 
Les expériences vécues par Von Schmidt, durant sa jeunesse, en tant que cow-boy et ouvrier en bâtiment, lui apportent une bonne connaissance de la manière dont se déplacent un homme, un animal ou une machine. Ainsi, l'artiste est-il en mesure de décrire avec exactitude comment un cavalier se comporte à cheval ou comment une roue de chariot se brise, en heurtant un rocher. Il met ses connaissances au service d'une scène, afin de la rendre la plus réelle possible et ainsi attirer la curiosité du spectateur. C'est pourquoi, dans ses illustrations, Harold Von Schmidt ne propose jamais une action en train de se terminer, afin de laisser celui qui les regarde imaginer la suite. « Comme les peintres, nous devons toujours nous rappeler que l'esprit est plus important que le fait », aime à souligner l'impressionniste du vieil Ouest. « Quand vous vous promenez et que vous vous arrêtez une seconde pour regarder la beauté du jour, c'est ce qu'il faut peindre – l'impression. C'est quelque chose que vous ressentez. L'artiste doit saisir et garder cette qualité qui provoque son émotion. » C'est pourquoi, Von Schmidt s'avère l'interprète idéal pour illustrer les romans des écrivains de l'Ouest. Comme, en 1927, « Death Comes for the Archibishop » de la romancière Willa Cather, pour lequel il réalise 60 illustrations dont il restera très fier, devenues des classiques du genre, aujourd'hui très prisées des collectionneurs. L'histoire d'un ecclésiastique d'origine française, qui va à la rencontre de ses paroissiens, dans les paysages désertiques du Nouveau-Mexique. Ou encore, « Indian Gold » (1933), d'Orin Mack, racontant les aventures de deux orphelins en 1882, en Californie, allant à la rencontre des Indiens Paiutes. Mais, aussi, « Homespun » (1937) d'Erick Berry, roman destiné à la jeunesse, sur la vie de la frontière. 

Un artiste reconnu et honoré

En 1944, durant la Seconde guerre mondiale, Harold Von Schmidt se porte volontaire pour servir, en tant qu'artiste correspondant de guerre, dans l'armée de l'air américaine. Il participe à des missions opérationnelles, à bord de bombardiers de l'US Air Force, en Europe, et témoigne des premiers jours de l'occupation américaine au Japon. Au lendemain de la guerre, en tant que membre fondateur des Famous Artists Schools, dans le cadre de cours animés par des artistes renommés, Von Schmidt partage sa connaissance de l'illustration avec un large public. De son vivant, le peintre se voit également attribuer de nombreuses distinctions et récompenses. En 1959, il est élu au Hall of Fame de la Société des Illustrateurs, dont il avait été le président de 1938 à 1941. En 1968, il est le premier artiste récompensé par la médaille d'or du National Cow-Boy Hall of Fame and Western Heritage Center de la ville d'Oklahoma, « pour sa contribution à l'art, pour avoir été un exceptionnel professeur et un grand peintre de l'Ouest. » Harold von Schmidt est également élu membre de l'American Indian Defense Association. Il meurt le 3 juin 1982, à Fairfield (Connecticut), à l'âge de 89 ans. Quelques années avant sa disparition, le peintre avait avoué n'avoir aucun regret. « J'ai connu suffisamment d'expériences qui satisferaient n'importe quel homme sur Terre. Aussi, je me contenterai de paraphraser mon vieil ami, Charlie Russell (voir American Legend n° 12), qui disait, à la fin de sa vie, « A chaque fois que je tente ma chance, je gagne. »   

Herve CIRET

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