mardi 20 février 2018

Les BD western du festival d'Angoulême 2018 : Gus 4


Bien que faisant partie de la sélection officielle de l'édition 2018 du Festival de la bande dessinée d'Angoulême, l'album "Happy Clem", 4e tome de la série western "Gus" (Dargaud) de Christophe Blain, n'a pas décroché de prix. Ce qui n'a pas empêché le genre d'être fortement représenté lors de l'événement, grâce à des auteurs et dessinateurs renommés qu'Un Indien au Phare Ouest a rencontrés. Après Yves Swolfs, Hugues Micol, Hermann et Dimitri Armand, Christophe Blain conclut cette rétrospective des albums western du Festival de la bande dessinée d'Angoulême en évoquant sa passion pour le genre. 

Le 4e tome de Gus paraît plus sombre que les précédents ? 

C'est une évolution naturelle que j'avais prévue depuis longtemps. Car, quand je crée des personnages, je les découvre, puis je m'attache à eux et je m'intéresse à leur vie quotidienne. Au point d'être de plus en plus proche d'eux et de voir d'où ils viennent et là où ils vont. Et comme dans la vie de n'importe qui, je constate les fêlures, les tortures, les ambiguïtés. Ce qui donne probablement aux personnages de Gus ce caractère sombre, même s'ils conservent tout de même un caractère loufoque. Mais, cette tonalité sombre a été progressive, au fur et à mesure des trois premiers tomes. D'autant que les personnages vieillissent et donc se posent des questions et perdent certaines de leurs illusions. 
 

Pourquoi caricaturer des acteurs de westerns américains dans cette série ?

Par plaisir, parce que ce sont des acteurs qui m'ont tellement fasciné quand j'étais môme, que j'ai eu envie de les utiliser comme personnages dans ma bande dessinée. Aussi, parce que, pour ceux qui interviennent dans des scènes plus ou moins importantes, j'avais besoin qu'ils aient un caractère, une voix, tels que j'imaginais qu'ils jouaient au cinéma. Donc, je me suis amusé à restituer leur tête et même parfois leur nom, soit d'acteur ou soit celui des personnages qu'ils interprétaient à l'écran. Parce que ces acteurs appartiennent à mon histoire personnelle en fait. 

Vous évoquez la voix des acteurs de westerns américains, mais pour vous c'étaient celles des doubleurs français… 

Le doublage, c'est très intéressant, parce cela donne des façons de parler, des dialogues écrits d'une manière étrange et qui a énormément de goût. Quand on est môme, on ne connaît que la version française des dialogues, mais on sent qu'il y a quelque chose d'étrange dans cette façon de parler. Et moi, elle m'a très marqué, dans ma manière d'écrire les dialogues, car elle est très amusante à explorer et très créative.


Dans ce 4e tome de Gus, vous accordez encore plus de place aux femmes, pourquoi ?

Oui, parce qu'il y a deux personnages féminins que j'ai eu plaisir à traiter : une romancière et sa petite fille. La romancière, Ava, est l'un des personnages de l'album auquel je me suis le plus identifié, parce qu'en fait c'est moi, particulièrement quand elle écrit. De plus en plus dans mes albums, j'essaie de mettre en scène des femmes, hors de la présence des hommes. Ce qui n'est pas évident, car j'ai du mal à imaginer comment elles sont dans cet univers western et ce qu'elles peuvent vivre et penser lorsqu'elles sont seules. Mais, j'essaie de les rendre les plus crédibles possibles. J'aime ces personnages qui sont, à la fois, les plus proches de moi et les plus mystérieux. J'aimerais les développer encore plus dans mes prochaines histoires. 

L'un des personnages féminins de ce 4e tome, Isabella, va même jusqu'à braquer une banque mieux encore que ne le ferait un homme… 

Oui, elle le fait mieux et devient une sorte de gangster dilettante et même une femme d'affaires. Ce qui est étonnant, alors qu'elle continue d'être fascinée par le personnage de Clem, le beau bandit-dandy avec lequel elle a une aventure. Ce dernier reconnaît d'ailleurs qu'elle est un génie et lui n'est qu'un loser. C'est une manière de restituer l'image que l'homme et la femme se renvoient, mais qui génère toujours un malentendu, car on se trompe. Et cela m'a plus de montrer que la femme et la maîtresse du héros se débrouillent beaucoup mieux que lui.

Donc le 5e tome à venir, « Rose », c'est le prolongement de cette idée ? 

Dans « Rose », on verra d'autres personnages et Clem sera moins présent. Ses compagnons, Gus et Gratt, vont revenir sur le devant de la scène, alors qu'ils n'étaient pas là dans le tome 3. Mais, comme je travaille sur plusieurs projets en même temps [notamment, un nouveau Blueberry scénarisé par Joan Sfar à paraître fin 2018 - NdR], je suis incapable de vous dire quand le 4e tome sortira et je ne promets plus rien. Mais, maintenant, je vais publier les albums à venir de la série "Gus", de manière beaucoup plus régulière.

Propos et photo recueillis par Herve CIRET

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