L'Amérique de... Dan Jemmett

 
Puccini
Dan Jemmett
En 1910, un compositeur italien, Giacomo Puccini, créait à New-York "La Fille du Far-West", un opéra dont l'action se déroulait en Californie, dans une ville de mineurs dont le saloon était tenu par une jeune femme tombée amoureuse d'un hors-la-loi. 

En 2004, Dan Jemmett, metteur en scène londonien installé en France, proposait sa version "western" d'un opéra comique d'un autre compositeur italien, Gioacchino Rossini, "L'occasion fait le larron". Une oeuvre créée au XIX e siècle, qui n'avait pourtant rien à voir avec le Far-West. 
 
Dans la mise en scène de Dan Jemmett, les chanteurs portent Stetson, vestes à franges et déambulent dans un train, tout droit sorti de la série télévisée "Les Mystères de l'Ouest" ! Preuve que la musique classique peut, elle aussi, être "western".

 
Pourquoi avoir choisi une mise en scène "western" pour un opéra classique

D’abord, parce j’aime bien les cow-boys (rire) et la musique country. Ensuite, je compte pas mal de westerns, parmi mes films préférés, notamment les films de John Ford. Ainsi, dans « La Chevauchée Fantastique » (1939), tous les personnages voyagent dans une diligence et John Wayne, qui les accompagne, va les protéger des attaques des indiens. 
 
Je trouve qu'il y a quelque chose de théâtral dans la manière de John Ford de montrer les personnages et de les filmer. Ce western m'a inspiré pour mettre en scène l'opéra de Rossini. Car, pour moi, le point de départ de toute mise en scène est basé sur des impressions personnelles. Les idées artistiques plus abstraites viennent ensuite. 
 
 
Le décor - un train arrêté en pleine campagne - fait penser au train de la série "Les Mystères de l'Ouest"?

Oui, cela peut faire penser à cette série que, moi aussi, je regardais enfant (rire). En fait, l’histoire de cet opéra commence par un voyage vers un château, dans le sud de l’Italie, où l’action est supposée se dérouler. Mais, je n’étais pas intéressé par cette idée, liée aux conventions de la « comedia del arte ». C’est pourquoi, j'ai souhaité créer un décalage, en trouvant une sorte de troisième lieu, entre celui du départ et celui de l'arrivée, où les chanteurs pourraient évoluer durant une heure et demi. Avec ce train installé sur la scène, les spectateurs ont, tout de suite, l’idée d’un voyage, même si celui-ci ne bouge jamais.

Le duel des valises est-il un clin d'oeil aux duels du Far-West ?

Je possède un livre qui s’intitule « How the West was won » (Comment l'Ouest fut conquis). C’est un livre dont on s’est beaucoup inspirés, avec Sylvie Martin Hyszka, chargée des costumes de "L'occasion fait le larron". Mais, en installant une ambiance "western", je ne voulais pas pour autant reconstituer le Far-West dans ses moindres détails hyper réalistes, avec des pistolets, etc... 
 
En mettant les chanteurs face à face avec leurs valises respectives, comme s'ils se livraient un duel, j’ai juste voulu faire un clin d’œil, de manière à ce que le public laisse aller son imagination. D'autant que l'échange de valises et de leur contenu est à l'origine de l'usurpation d'identité, à la base de l'histoire de cet opéra.

 
Votre Rossini "western" a-t-il séduit le public ? 

Je ne suis pas un grand spécialiste de l’opéra, ni un musicien. Aussi, il fallait que je me sente libre d’aborder cet opéra de Rossini comme je le souhaitais. Ce qui m'a permis de re-créer un lien entre cette oeuvre du répertoire classique et le public d’aujourd’hui. Visiblement, celui-ci a beaucoup apprécié mon approche "décalée". Car, pour la plupart des gens, l’opéra est quelque chose d’inaccessible, joué dans des lieux prestigieux. Quant aux puristes, ils considèrent Rossini, comme un compositeur "léger", de divertissement, et donc, digne de peu d’intérêt. Mon approche "western" aura, au moins, permis à ceux qui ne le connaissait pas de le découvrir.

 
Interview réalisée par Herve CIRET - Photos de l'opéra Alain Monot/Le Quartz Brest

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