John Trudell, le "porteur de mots"


La prise de conscience

John Trudell voit le jour à Omaha dans le Nebraska, le 15 février 1946. Son père est un Sioux Santee, sa mère, mi-indienne, mi-mexicaine, décède, alors qu'il a 6 ans. Vivant près d'une réserve dans le Dakota, il est très tôt confronté à des conditions de vie difficiles, son père se retrouvant à élever une nombreuse famille. A 17 ans, il effectue son service militaire. "J'ai choisi la Marine pour minimiser mes chances de finir en chair à canon", affirme-t-il. "C'est là, que j'ai découvert que beaucoup d'autres vivaient ce que moi je vivais, en tant qu'indien et prisonnier de l'Amérique." Les années qui suivent son service militaire, John Trudelll fait des petits boulots, mais ne se débarrasse pas de ses désillusions sur l'Amérique. Le 20 novembre 1969, peu après sa fermeture, deux cent indiens occupent le pénitencier de l'île d'Alcatraz, en Baie de San Francisco. Ils en revendiquent la possession au nom d'un traité de 1868 qui accordait aux Sioux les terres dont le gouvernement fédéral n'avait plus l'usage. John Trudell est parmi les manifestants dont il devient le porte-parole. "J'y ai trouvé tout un tas de gens qui, comme moi, malgré leurs faiblesses, n'avaient pas abdiqué." Au lendemain de cette occupation,en 1971, l'American Indian Movement est créé (soit A.I.M. qui veut dire viser) . John Trudell en devient le président de 1973 à 1979. En 1978, il est incarcéré à la prison fédérale de Springfield, dans le Missouri et, l'année suivante, met le feu à un drapeau américain, devant les bureaux du Federal Bureau of Investigation (F.B.I), à Washington, lors d'une manifestation.



La traversée du désert

Manifestation d'Alcatraz
Douze heures plus tard, un incendie réduit sa maison en cendres, dans la réserve Shoshone Paiute, dans le Nevada. Sa femme, ses trois enfants et sa belle-mère meurent prisonniers des flammes. Le Bureau des Affaires Indiennes conclut à un accident. Trudell est persuadé qu'il s'agit d'un meurtre, en guise de représailles à son engagement en faveur des droits des indiens. Effondré, le militant se réfugie dans l'écriture. "J'avais déjà rédigé des discours politiques, mais rien qui ressemble de près ou de loin à des poèmes. Six mois après le drame, alors que je touchais le fond, les mots me sont venus. Ces mots étaient mes bombes, mes larmes et ma vie."

En 1981, John Trudell publie un recueil de poésie, "Living in reality", avant de mêler textes et musique. "C'est alors que je traînais autour du studio du chanteur Jackson Browne et passais du temps avec ses musiciens, que m'est venue l'idée de mélanger poésie, musique traditionnelle amérindienne et les rythmes du rock." 

John Trudell enregistre "Tribal Voice", un disque qui où ses textes sont seulement soulignés par des percussions et quelques chants indiens. Puis, en 1985, c'est la rencontre avec Jesse Ed Davis, un indien Kiowa d'Oklahoma, véritable star du rock, ayant joué avec Eric Clapton, Bob Dylan, John Lennon ou Jackson Browne. 


Le rock des "mots parlés"

"Lorsque nous nous sommes rencontrés, Jesse m'a dit : je peux composer de la musique pour tes mots." Ils enregistrent un premier album, "AKA Graffiti Man", en 1986. Sorti sur le label créé par Trudell, Peace Company, mais seulement en cassette, leur travail n'est diffusé que de façon confidentielle, malgré un succès critique. Jesse Ed Davis et Trudell sortent un second album, "Heart Jump Bouquet", puis un autre intitulé "But this isn't El Salvador". Mais, en 1988, Jesse Ed Davis décède. Trudell en est très affecté. Il décide quand même de poursuivre l'oeuvre entreprise, avec Mark Shark, guitariste rythmique du Graffiti Band, qui l'accompagnait jusqu'ici. Choisi pour assurer la première partie de la tournée mondiale du groupe de rock australien "Midnight Oil", Trudell se produit, enfin, devant un public international. En 1992, son album "AKA Graffiti Man" est réédité, réarrangé par Jackson Browne. 


Trudell acteur

Val Kilmer et John Trudell
On retrouve John Trudell acteur, dans "Coeur de Tonnerre" - avec Val Kilmer (qui joua Jim Morrison dans un film retraçant la vie du leader des Doors) - et dans un documentaire, "Incident à Oglala", tous les deux retraçant les conflits ayant opposé le gouvernement américain à l'American Indian Movement, dans les années 1970. 

Il y a quelques années, on a revu John Trudell au cinéma, dans "Phoenix Arizona", le premier film de fiction tourné par un amérindien, en l'occurrence Sherman Alexie, auteur du livre du même nom. Il jouait le rôle d'un animateur de radio locale indienne posté à un carrefour stratégique de la réserve.   

Lire l'interview de John Trudell réalisée à l'occasion de son concert au Run-Ar-Puns à Châteaulin (Finistère) en 2002.

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