dimanche 15 juin 2014

Joseph Boyden porte-voix des amérindiens


Photo Herve CIRETIndien Ojibwé d'origine canadienne, l'écrivain Joseph Boyden était de passage au Festival "Etonnants Voyageurs 2014" de Saint-Malo. L'occasion de l'interroger sur ses deux derniers romans traduits en français, « Dans le grand cercle du monde » et « Le chemin des âmes ». Mais aussi, sur les westerns et l'environnement - Photos : Herve CIRET







Pourquoi vouloir porter la voix des amérindiens dans vos romans ?


C’est important pour mon écriture de donner une voix à ces amérindiens, car ce sont des voix qui viennent à moi directement et qui parlent presque à ma place dans mes livres. Je suis une voix parmi beaucoup d’autres, mais il est certain que beaucoup de personnes lisant mes livres désormais, cela me permet de porter encore plus fortement les messages que je souhaite transmettre.

Pensiez-vous rencontrer un public et avoir du succès en écrivant sur les indiens ?

N’importe quel auteur est content et surpris de découvrir que des lecteurs lisent ses livres. Au travers des miens, je pense que je leur délivre, un message positif sur les amérindiens. Et ce message n’est pas un message facile. Car, mes livres ne sont pas forcément accessibles. Mais, ils parlent de la vraie vie. Et c’est probablement ce qui touche mes lecteurs.




Vous êtes  très attaché à St Malo,  car les jésuites sont partis de ce port pour aller évangéliser les amérindiens en Amérique du Nord. Un sujet abordé dans votre dernier roman...


Dans « Dans le grand cercle du monde », je parle de mes racines amérindiennes et européennes. Car, pour moi le roman historique joue un rôle très important. Il est comme un lien entre le passé et le présent qui nous permet d'aborder et l'avenir. On dit souvent que l’histoire est racontée par les vainqueurs et moi j’ai eu envie de corriger cette lacune. D’où les différents points de vue, des indiens, des colonisateurs, des évangélisateurs, exprimés dans ce roman. En effet, les premières nations indiennes au Canada sont considérées, soit comme vivant au paradis jusqu’à l'arrivée des colons européens ou alors vivant l’enfer en attendant désespérément au coin du feu qu’arrive la civilisation. Pour moi, la réalité se situe entre les deux. Ce que je cherche avant tout, c’est raconter une bonne histoire. Donc, je voulais décrire cette civilisation complexe qui existait en Amérique du Nord, avant l’arrivée du colon blanc. Les Hurons avaient développé une agriculture et créé des réseaux d’échanges commerciaux avec d'autres nations. Donc, leur société était très élaborée.
 



Dans votre précédent roman « Le chemin des âmes », pourquoi avoir abordé la 1ère guerre mondiale ?


A l’origine, je souhaitais situer mon roman dans le contexte de la seconde guerre mondiale, qui était plus proche de moi. Mais, j’ai réalisé que cette guerre-là était déjà très connue du public et j’ai préféré me rapprocher des conflits de la 1ère guerre mondiale, parce que ceux-ci me paraissaient peu abordés. Et quand je me suis plongé dans les recherches sur la 1ère guerre mondiale, j’ai découvert la richesse et la complexité de ce sujet. Je suis content d’avoir fait ce choix et d’avoir réussi à en faire un roman.



Enfant, quelle a été votre réaction en voyant des westerns ?



Certains estiment que les westerns sont caricaturaux, en ce sens qu’ils traitent les indiens comme une minorité sans espoir de survivre ou alors comme des sauvages sanguinaires et alcoolisés. Et quand j’étais enfant, je comprenais que tout cela n’était que des clichés et qu’il fallait dépasser ces idées préconçues pour comprendre la civilisation amérindienne. Donc, le western n’a fait que caricaturer quelque chose qui est beaucoup plus complexe.


Est-ce que vous pensez, comme John Ford dans ses westerns, que l’immensité des paysages influe sur le caractère de vos personnages ?

Les indiens sont des produits de leur environnement physique et de la nature qui les entoure. Et, qui que vous soyez, l’environnement a un impact sur votre vie. Je parle des indiens d’aujourd’hui qui vivent aussi bien dans les villes que dans les réserves qui sont le produit de leur environnement qui lui-même a une influence sur leur mode de vie.


Finalement, ce qui différencie les Blancs des Indiens, c’est leur rapport à l’environnement ?



Ce serait une manière un peu simpliste de différencier ces deux civilisations. Parce qu’il y a des indiens qui ne se préoccupent pas de l’environnement, comme des Blancs qui s’en préoccupent. Mais, chez les indiens d’Amérique du Nord, il y a probablement cette tradition qui fait que nous sommes très attachés à cet environnement, car elle fait partie de notre culture. Et c’est très important de faire en sorte que cet environnement soit en phase avec nous-mêmes, en le traitant avec respect.

    

Les indiens résonnent  toujours par le cercle et les Blancs par le carré. Est-ce que cela influe, selon vous, sur la manière d’aborder le monde ?



Ce sont effectivement deux manières différentes d’approcher le monde et de le ressentir. Celle des occidentaux est plus linéaire, d’un point A à un point B, etc, alors que notre culture voit les choses de manière plus circulaire, comme si elles se répétaient inlassablement.




Propos recueillis par Herve CIRET, lors du Festival Etonnants Voyageurs 2014 de St Malo

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