lundi 20 mai 2013

Le western à l'honneur aux Etonnants Voyageurs

Durant 3 jours, l'édition 2013 du festival international du livre et du film de Saint-Malo nous a donné à lire, à voir et à apprécier le western américain, à travers des propos d'auteurs, des projections de films et de documentaires, ainsi qu'une exposition de dessinateurs de BD, fascinés par ce genre cinématographique, décidément loin d'avoir tari leur source d'inspiration.

Bertrand Tavernier avec Patrice Blanc-Francard
Bertrand Tavernier interrogé par Patrice Blanc-Francard
Ainsi, Bertrand Tavernier, réalisateur et historien du cinéma américain, nous a fait partager sa passion "fougueuse" pour les westerns. Ceux de John Ford, bien évidemment, qui lui ont donné envie de devenir metteur-en-scène à 12 ans. Mais, aussi ceux de réalisateurs moins connus du grand public, comme Henry Hathaway, Anthony Mann ou Delmer Davies. Et l'historien du cinéma de mettre en garde ceux qui critiquent aujourd'hui certains westerns de Ford, sous prétexte qu'ils passeraient sous silence les problèmes des indiens, afin d'affirmer la suprématie des blancs."Il ne faut pas réécrire l'histoire avec l'encre et les informations d'aujourd'hui", tient à préciser Bertrand Tavernier. "Qui, parmi les réalisateurs américains des années 30, avait un point de vue différent, contrairement à Ford ?". Et le réalisateur d'avouer que la relation à la nature des westerns de Ford l'a marqué à vie. "Il a réussi à faire croire à des millions de spectateurs qu'on pouvait vivre dans un endroit aussi désertique que Monument Valley (NdR : lieu de tournage de ses westerns les plus célèbres), car il a enraciné ses personnages dans ses paysages. Ce qui n'exclut pas que Ford a parfois malmené la réalité. Notamment, concernant les répliques dites par les figurants indiens de ses films. Dans un roman de Tony Hillerman, les indiens racontent qu'ils allaient voir les films de Ford parce que les injures qui y étaient prononcées par les indiens, à l'insu bien sûr du réalisateur, les faisaient rigoler. Quant à Delmer Davies, il était obsédé par le réalisme de ses films. Aussi, quand je vois le récent remake de son western "3h10 pour Yuma" où, comme dans un jeu vidéo, 45 personnes sont tuées, alors que dans l'original un seul mort suffisait à provoquer la consternation de la communauté d'une petite ville, je me dis que c'est n'importe quoi !


Côté bande dessinée, des dessinateurs comme François Boucq (Bouncer), Paul Salomone (L'homme qui n'aimait pas les armes à feu), Matthieu Blanchin (Martha Jane Canary), alias Calamity Jane), Benoît Sokal (Kraa) ou Christophe Blain (Gus) nous ont fait partager leur passion pour ce genre cinématographique qui continue de les inspirer.

Christophe Blain
Christophe Blain
"Le western pour moi, c'est une fascination puérile", explique Christophe Blain. "Je parle de personnages qui manient des armes à feu, qui sont des salopards, mais comme un enfant en parlerait. Les petits garçons sont fachos, machos. Mais, cela ne fonctionne pas dans la vraie vie. Mes personnages sont conscients d'être des héros de western et de l'imaginaire qu'ils peuvent engendrer, poursuit l'auteur-dessinateur. Mais, ils sont très torturés, ce sont des hors-la-loi. Mais, en même temps, ils côtoient les hautes couches de la société. Ma bande dessinée western est assez "pop", avec une vision proche de celle des années 60. C'est-à-dire, sans se soucier de la réalité historique.



Paul Salomone
Paul Salomone
"Ce qui m'a plus dans cette aventure, c'est le fait que, comme Wilfrid Lupano, le scénariste, je n'étais pas fan de westerns", avoue ironiquement Paul Salomone. "J'ai souvenir d'avoir regardé ce genre de films à la télé quand j'étais gamin. Comme les plans étaient trop longs, cela m'endormait, mais j'en aimais bien l'ambiance. Donc, cet univers m'a intéressé. Mais, j'ai voulu le traiter à ma manière, c'est-à-dire de façon ironique, en dénonçant, dans un western, le port d'armes, un sujet d'actualité en ce moment aux Etats-Unis."








Benoît Sokal
Benoît Sokal
"A part les décors naturels, les décors du Far-West de 1860 à 1900 m'intéressent peu", reconnaît Benoît Sokal. "J'aurai pu m'intéresser à Monument Valley, mais j'ai choisi des lieux avec des sapins. Car, on ne "vole" pas des lieux utilisés par d'autres dessinateurs. Et puis, j'aime bien les westerns mélangeant les chevaux et les premiers progrès technologiques du début du 19e siècle."










François Boucq
François Boucq
"L'idée de faire un western m'avait échappé, car d'anciens dessinateurs admirables avaient déjà fait le tour du genre", reconnaît François Boucq. Et puis, Jean Giraud, (NdR : mort en mars 2012) m'a proposé de faire un Blueberry décalé, âgé de 60 ans en 1900. Le projet n'ayant pu être réalisé, j'ai eu l'idée de créer mon personnage de western, un bandit manchot." Et François Boucq de conclure. "Le western est toujours d'actualité, car c'est le cadre qui nous permet d'identifier nos peurs et nos fantômes. Car, la tendance de l'homme, c'est de trouver le héros qui est en lui.Et justement la BD est un art héroïque."








L'aventurier du Rio GrandeEnfin, dans la catégorie des films westerns, à noter la projection sur grand écran, de vraies "perles", le plus souvent oubliées, comme "L'aventurier du Rio Grande" (1959) de Robert Parrish, avec un Robert Mitchum époustouflant dans un rôle de pistolero convoyeur d'armes. Ou encore le western enneigé de "La Chevauchée des Bannis" (1959) d'André de Toth ou le flamboyant et violent "Fort Massacre" (1958) de Joseph Newman.
Dans la catégorie des documentaires, il faut retenir la magnifique saga sur le cinéma d'Hollywood, "Mythes et stars", dont le deuxième épisode évoque le début des tournages des westerns, dans les magnifiques décors naturels de la Californie. Et puis, le magnifique documentaire "La route du western : du Montana au Texas", de Michel Viotte (Bo Travail !) qui nous fait redécouvrir les mythiques lieux de tournage des films du genre. Notamment, Monument Valley, chère à John Ford. Si bien qu'un des points de vue du site porte son nom.

Merci encore au Festival du livre et du film de Saint-Malo de nous avoir, parmi tant d'autres thèmes, offert le western sur un plateau aussi riche de rencontres, de débats animés et de d'images flamboyantes. A vous donner envie d'aller aux Etats-Unis, voir si le mythe de l'Ouest y est toujours aussi vivace !

Herve CIRET

Photos Herve CIRET

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